Le Rôle du Psychologue

dans une équipe pluridisciplinaire
de rééducation d'adultes
déficients visuels



Accompagner la personne handicapée
Travailler avec l'entourage familiale
Envisager l'avenir

Evolution du rôle des psychologues spécialisés
Pour en savoir plus

Quel peut être le rôle d'un Psychologue travaillant au sein d'une Equipe pluridisciplinaire de rééducation fonctionnelle du handicap ?

Soit en fait, trois niveaux d'intervention :

L'accompagnement de la personne handicapée au cours de sa rééducation.

Les acquisitions réalisées à travers les activités techniques de la rééducation sont essentielles et aisément perceptibles par le sujet et son entourage. Cependant, elles ne permettent pas à elles seules de retrouver indépendance et autonomie. La rééducation n'est jamais uniquement une addition de techniques, aussi pertinentes soient-elles. Elle est plutôt l'adéquation de ces techniques à une évolution personnelle du sujet handicapé. Evolution de l'image de soi où s'intègre, de la façon la plus objective possible, un savoir faire et la juste conscience de ses limites. Etre handicapé, le devenir, est bien souvent dans un premier temps se définir en négatif, par défaut : je suis celui qui ne peut pas faire un certain nombre de choses. Le rôle du psychologue est de s'appuyer sur les acquis progressifs de la rééducation pour permettre au sujet de restaurer son image et redonner une plus juste place à son handicap. Percevoir ce handicap, non pas comme une limite à l'être : un "moins être", mais comme un des éléments qui délimite les capacités de faire et de se réaliser : cheminement personnel long et difficile où l'accompagnement psychologique doit permettre à chacun de franchir les étapes clefs.

Accepter de se donner du temps : temps pour intégrer le handicap (travail de deuil), temps pour mettre en place les techniques permettant d'y pallier au mieux : pour cela, le psychologue doit suivre pas à pas les évolutions de la rééducation et bien souvent adopter une attitude de contrepoids


L'objectif n'étant pas que le sujet fasse l'économie de sa souffrance (découragement, sentiment d'incapacité, perception des progrès comme impossibles, vécu pénible des limites induites par le handicap ...) mais qu'il puisse verbaliser cette souffrance, c'est-à-dire considérer ses difficultés présentes en perspective, comme un moment difficile mais nécessaire d'une évolution, une étape dans son objectif d'autonomie. S'il ne s'agissait que de technique, de savoir, la rééducation serai simple, uniquement un effort de mémoire et de concentration. Mais, en fait, chaque progrès redéfinit la place du handicap : commencer à apprendre à se servir d'une canne (accepter d'être perçu comme non ou mal voyant), développer l'audition ou le toucher (modifier les automatismes acquis, chez l'aveugle ou le malvoyant récent) etc ...

Pour permettre cette évolution personnelle, l'intervention du psychologue se fait à deux niveaux :


Le rôle du Psychologue auprès des familles

La présence, ou la survenue, d'un handicap chez un sujet implique de façon immédiate, et parfois importante, des perturbations familiales (modification des relations, état de dépendance, anxiété ...). Aussi est-il nécessaire d'établir avec la famille un contact, ceci avec principalement deux objectifs :


Evolution complexe qui ne peut se réaliser d'un coup, l'intervention du psychologue étant ici de favoriser la communication de part et d'autre, des inquiétudes, tensions et attentes, permettre à chacun de dire, et se dire, ce qui perturbe la relation. Cela afin que la personne handicapée puisse atteindre une autonomie plus large, Non pas simplement bagage technique utilisable avec confort et sécurité, mais aussi la maîtrise de son utilisation : demander une aide ou non, définir laquelle, comment, jusqu'où. En un mot faire que le sujet puisse lui-même, en fonction de ses besoins et possibilités, choisir les moyens de ce qu'il souhaite réaliser.

Pour ce faire, il est possible que le psychologue, en cours et en fin de rééducation, revoie plusieurs fois la famille pour aider à mettre en place ce nouvel équilibre relationnel.

 

Le travail avec le sujet concernant la représentation de son avenir.

La rééducation s'inscrivant dans un processus dynamique, au fur et à mesure des évolutions, la représentation de l'avenir du sujet se modifie. Le psychologue s'appuyant sur cette évolution doit aider à mettre en place une réadaptation cohérente tenant compte du milieu social et-ou professionnel de chacun. Reprise d'activités personnelles, sociales ou professionnelles, nouvelle orientation, nouvelle formation parfois : les éventualités sont nombreuses selon la diversité des cas. Sans rentrer dans la méthode de cet accompagnement, quelques règles importantes sont à souligner.


De ce rapide survol du rôle du psychologue au sein d'une équipe rééducative pluridisciplinaire, deux conclusions semblent se dégager : l'extrême diversité des types d'accompagnement liée à l'unicité de chaque cas, mais aussi l'importance d'un travail en commun, la réunion des compétences particulières de chacun permettant la synergie et l'efficacité indispensables à la rééducation fonctionnelle.

  Evolution du rôle des psychologues spécialisés pour handicapés de la vue en Europe francophone


Dans les pays francophones de la vieille Europe, la prise en charge éducative des jeunes déficients visuels a permis l'apparition, il y a une quarantaine d'années, puis le développement, d'une spécialité nouvelle dans la profession de psychologue : celle des psychologues spécialisés pour les personnes handicapées de la vue. Cette spécialité ne correspond pas à une formation universitaire mais à une spécialisation sur le terrain de la profession de psychologue. Je vais tenter en quelques mots de présenter cette spécialité, son histoire, son intérêt et son évolution récente. C'est une gageure de traiter ce sujet en quelques pages, cela va sans dire, tant les domaines de la prise en charge des personnes handicapées comme les champs d'application de la psychologie se sont transformés en cette fin de siècle. Cependant il me semble que cette évolution illustre bien l'évolution des idées et des pratiques en matière d'intégration des personnes handicapées.


Les premiers psychologues à avoir travaillé de façon régulière auprès de déficients visuels, ont été, dans les années 1960, les quelques-uns qui furent embauchés au sein d'institutions pour aveugles. Leur arrivée marqua alors le tournant pris vers une conception plus personnalisée de l'enseignement spécialisé pour les jeunes handicapés. Elle s'inscrivait dans un mouvement général de remise en cause des institutions soignantes et de l'éducation spécialisée. C'était l'époque en France du MDH (Mouvement de Défense des Handicapés) qui manifestait dans les rues de Paris aux cris de "Pas de ghetto, du boulot" comme celle de "l'anti-psychiatrie" et des tentatives d'intégration à tout prix des personnes marginalisées par une déficience ou une désadaptation. Des excès furent commis par systématisme idéologique, (l'époque n'était pas aux consensus mous) mais fut posée avec acuité la question du droit à l'intégration et tout particulièrement celui de la nécessité de l'épanouissement personnel du sujet au sein des institutions spécialisées comme de la société. La place du psychologue s'affirmait et plus largement, la nécessité d'être attentif, dans les écoles et les institutions, à l'évolution psychologique de l'enfant et du jeune adulte. Le devenir ne pouvait se résumer ni à une réussite scolaire isolée, ni à l'adaptation copie conforme d'un modèle supposé idéal de devenir social du jeune handicapé. En 1968 quelques psychologues créèrent l'Association Nationale des Psychologues Travaillant dans des Etablissements pour Déficients Visuels, ancêtre de l'organisme actuel qui nous regroupe : l'ALFPHV (Association de Langue Française des Psychologues spécialisés pour Handicapés de la Vue).


Les années 1970-80 furent celles du développement du rôle du psychologue dans les institutions mais aussi, à l'extérieur, pour favoriser des intégrations sociales et professionnelles des jeunes déficients visuels. Elles furent aussi celles d'une meilleure connaissance des déficiences visuelles et d'une attention plus grande apportée à la vision que le malvoyant avait conservée. Les progrès de la médecine et particulièrement de l'ophtalmologie ont en effet permis de réduire le nombre de cas de pathologie conduisant à la cécité. La part des cécités totales est devenue minoritaire parmi l'ensemble des déficiences visuelles. De ce fait des questions nouvelles se sont posées. Comment utiliser au mieux une basse vision, aménager les conditions de vision, les conditions de travail, faut-il toujours apprendre le Braille ? Les réponses univoques à ces questions n'étaient plus possibles car les enfants ou les jeunes malvoyants relevaient chacun de déficiences visuelles fort diverses et le terme générique de "basse vision" recouvrait des incapacités et des désavantages extrêmement variés. Comment s'y retrouver, faire la part des données médicales, scolaires, rééducatives ? Comment prendre en compte le risque d'une aggravation de la déficience visuelle, sans confiner l'enfant, par anticipation excessive, dans une situation d'aveugle tout en écoutant les demandes et inquiétudes légitimes des parents ? Là encore, les psychologues spécialisés auprès des déficients visuels ont joué un rôle important. Leur bonne connaissance du handicap visuel comme du tissu médico-social où se jouait l'intégration des jeunes déficients visuels, jointe à une reconnaissance professionnelle plus affirmée, leur ont donné une position de médiateur. Il ne s'agissait évidemment pas que ce soit le psychologue qui décide à la place de tel ou tel du devenir scolaire ou réadaptatif d'un enfant. Au contraire, il avait pour rôle d'amener chaque intervenant à mettre en mots son diagnostic et son pronostic d'évolution mais aussi de lui permettre d'écouter l'avis de tous les autres (médecins, enseignants, parents, éducateurs, rééducateurs, ...). Cela afin de parvenir à des prises de décision communes et adaptées au cas, et donc aux besoins et limites de chaque enfant ou jeune adulte.

Par la suite, s'est posé de manière de plus en plus vive le problème de l'accès à l'emploi, avec deux corollaires : Comment évaluer la capacité d'une personne déficiente visuelle à entreprendre une formation ou une reconversion professionnelle ? Mais aussi, comment déterminer la probabilité d'embauche d'un déficient visuel dans un marché de l'emploi de plus en plus fermé ? Les outils d'évaluation mais aussi la volonté, la capacité de " parler vrai " des psychologues les ont bien souvent mis en première ligne pour aider les aveugles ou les malvoyants à déterminer les moyens et les objectifs de leur intégration. Ils sont effectivement bien placés pour intervenir à ce moment où l'intégration d'une personne déficiente visuelle ne dépend plus directement de facteurs médicaux, rééducatifs ou scolaires, mais du choix de la personne handicapée elle-même face à son avenir avec tout ce que cela comporte de désir et de craintes, de possibilité de rebond comme de risque d'échecs.

Enfin, à partir des années 1980/85, la rééducation et réadaptation des personnes déficientes visuelles ont été profondément modifiées par le développement des neurosciences et la prise en compte, nouvelle à l'époque, des troubles neuropsychologiques chez l'enfant ou l'adulte cérébro-lésé. Cette évolution a montré les limites d'une prise en charge centrée autour de la seule compensation/stimulation d´un potentiel visuel réduit. Cela c´est avéré tout particulièrement évident pour tous ces cas, de plus en plus nombreux, où les sujets atteints de déficiences visuelles ne sont ni aveugles, ni malvoyants au sens réglementaire du terme (acuité et champ conservés totalement ou en grande partie) mais présentent des troubles neuro-visuels par exemple (comme les agnosies visuelles où la personne voit tout mais ne reconnaît rien). C´est aussi le cas de nombre de multihandicaps ou de pathologies générales associées á la déficience visuelle (sida, diabète, intoxications...), qui modifient fondamentalement aussi bien la nature des troubles visuels que les possibilités de rééducation. Les institutions spécialisées durent adapter leur fonctionnement pour répondre à des situations nouvelles. Nombre de personnes aveugles ou malvoyantes qui jusqu'alors étaient jugées comme non rééducables du fait de déficiences associées à la déficience visuelle, se sont vues offrir une prise en charge spécifiquement adaptée. Le rôle des psychologues dans l'élargissement du champ de la rééducation/réadaptation des déficients visuels s'est imposé naturellement, comme celui d'un membre clef du fonctionnement des équipes pluridisciplinaires de soins ou de réadaptation.


Tous nouvel arrivé dans la profession de psychologue spécialisé pour handicapés de la vue, n'est, en fait, spécialisé en rien. Le monde du handicap comme celui de la déficience visuelle est généralement peu connu. La formation universitaire ne permet que d'éviter de donner foi aux poncifs bêtifiants ou volontaristes couramment véhiculés à propos de l'intégration des aveugles ou des malvoyants. C'est une bonne chose, incontestablement, mais un peu mince pour une pratique quotidienne de psychologue dans un établissement hospitalier de rééducation pour déficients visuels.

Deux évidences cependant s'imposent très rapidement :

C'est, entre autres choses, la vocation de l'ALFPHV (Association de Langue Française des Psychologues spécialisés pour Handicapés de la Vue) qui produit et met à disposition un grand nombre de travaux de recherche et de publications sur les sujets qu'il est indispensable de connaître rapidement. Ses différents membres possèdent des compétences extrêmement variées. Les uns sont psychanalystes, ou psychothérapeutes, d'autres chercheurs, enseignants universitaires, psychotechniciens (spécialiste de la passation de tests), etc.


Cette spécialisation d'une partie des psychologues envers les personnes déficientes visuelles me semble être un bon exemple de l'évolution récente de la prise en charge des personnes handicapées Ainsi l'esprit de chapelle ou de suspicion qui peut exister entre différents acteurs médico-sociaux est inconnue. Nous sommes tous des cliniciens, c'est-à-dire des soignants qui interviennent auprès du patient, de la souffrance de son quotidien. L'enjeu n'est pas théorique mais pratique : il s'agit de faire que la souffrance et la dépendance de la personne aveugle ou du malvoyante régressent et qu'elle reprenne goût à la vie.

Date de création : 24/12/93, (dernière mise à jour le 22/01/11)



Pour en savoir plus

L'organisation professionnelle des psychologues spécialisés pour Personnes aveugles ou malvoyantes, l'ALFPHV (l'Association de Langue Française des Psychologues spécialisés pour Handicapés de la Vue), est au service des psychologues, mais aussi de tous les professionnels et associations concernés par le handicap de la vue. Il va sans dire qu'elle est ouverte aux francophones des deux côtés de l'Atlantique.

 


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