LA RÉÉDUCATION DES PERSONNES

DÉFICIENTES VISUELLES
ET
DÉFICIENTES MENTALES



La rééducation des patients déficients visuels et déficients mentaux
   Méthodologie
   Présentation de la population étudiée
   Analyse des résultats
     Situation en début de prise en charge
     Evolution de l'autonomie des patients
   Spécificité de la rééducation
     Faible progression à forte incidence et difficile diagnostic différentiel
     Evaluation et action interdisciplinaire
     Modalité de la prise en charge
     Prise de conscience des déficiences
   
   Bibliographie
     Déficiences visuelles
     Déficiences mentales



Méthodologie

La population de référence de cette étude est constituée par la cohorte des patients adultes, reçus dans l'établissement (CRFAM Unitée 1) depuis fin 1997, soit 812 personnes atteintes d'une déficience visuelle initiale ou acquise et éventuellement associée à d'autres déficiences (auditive, motrice, intellectuelle ou comportementale).
A cette population de référence est comparé un groupe de 49 personnes adultes, identifiées au moment de leur hospitalisation (soit depuis fin 1987), comme présentant une déficience intellectuelle et pour lesquels ce diagnostic s'est révélé exact au décours de la prise en charge rééducative. Il s'agit en fait pour la plupart, de patients présentant un retard mental primaire, dont le diagnostic à été préalable ou concomitant à celui de la déficience visuelle.



Présentation de la population étudiée

La proportion de personnes hospitalisées et présentant une déficience mentale clairement identifiée lors de l'hospitalisation en plus de la déficience visuelle, représente donc plus de 6 % de l'ensemble des patients reçus.
Il convient toutefois d'ajouter à ces chiffres, les patients ayant une atteinte de leur efficience intellectuelle secondaire et non reconnue comme telle ou évoquée de manière spontanée lors de leur hospitalisation (détérioration intellectuelle d'origine toxique et conséquences déficitaires de troubles psychotiques, ou d'atteintes neurophysiologiques pour la plupart).


Déficients mentauxPopulation totale
Age moyen à l'entrée 31 ans 37 ans
Ecart type 10,6 ans 11,8 ans

Tableau 1 : Age moyen

La différence d'âge mise en évidence dans ce tableau est à relativiser. En effet, la population des déficients mentaux, se répartit à peu près également autour de cette moyenne de 31 ans. En revanche, la population de référence n'a pas cette répartition normale (Gaussienne) autour de la moyenne, mais une répartition bimodale. Ainsi, on observe d'une part des sujets majoritairement jeunes (maximum entre 21 et 25 ans), pour une part importante masculins, non voyants et cérébro-lésés, et d'autre part des sujets plus âgés (maximum entre 36 et 40 ans), majoritairement malvoyants dont la pathologie est le plus souvent d'origine ophtalmique.

Cette population de référence n'est donc aucunement représentative de l'ensemble des déficients visuels français qui, pour la majorité d'entre eux, ont plus de 60 ans et sont moins lourdement handicapés ou multihandicapés.


Déficients mentauxPopulation totale
Hommes 59 % 61 %
Femmes 41 % 39 %

Tableau II : Répartition des sexes

Déficients mentauxPopulation totale
Célibataires 89 % 44 %
Mariés(ées) 3 % 37 %
Veufs/Veuves 3 % 4 %
Divorcés(ées)/Séparés(ées) 5 % 15 %

Tableau III : Situation de famille
On constate une forte prédominance de situation de dépendance parentale (et/ou institutionnelle) des patients. Cette dépendance est le plus fréquemment une dépendance primaire et non consécutive à une modification de l'efficience ou des conditions de vie (comme cela est souvent le cas pour les personnes cérébro-lésées ou présentant une détérioration mentale).


Déficients mentauxPopulation totale
Durée moyenne de séjour 94 jours 88 jours
Durée de séjour (Ecart type) 48 jours 38 jours
Durée moyenne de rééducation 111 jours 103 jours
Durée de rééducation (Ecart type) 66 jours 53 jours

Tableau IV : Durée de séjour et de rééducation
(Sachant qu'une rééducation peut comprendre plusieurs séjours séparés par des retours à domicile)
Ce tableau met en évidence une durée de prise en charge moyenne plus élevée pour les patients qui présentent des troubles mentaux associés à leur atteinte visuelle. Il est à noter que cet allongement, tant de la durée de rééducation que de la durée moyenne de séjour, s'accompagne d'une plus grande variabilité de cette durée (écart type plus élevé). Cela sans que cette population ait un nombre moyen de séjours significativement plus élevé que celui de la population de référence.
Cette observation est à croiser avec ce qui est mis en évidence par le Tableau VIII. En effet, si la durée moyenne de prise en charge est plus longue, le nombre de séances proposées aux patients durant leur prise en charge est à peu près le même. Ce qui montre que les patients déficients intellectuels se voient proposer un nombre moyen de séances de rééducation moins important par semaine que celui de la population de référence. Si la durée est plus longue, la fréquence des prises en charge est moins élevée.

Les chiffres du tableau V sont à analyser avec prudence dans la mesure où ils prennent en compte la situation professionnelle des patients au moment du début de leur rééducation.


Déficients mentauxPopulation totale
Sans activité professionnelle 23 % 76 %
CAT, IME 51 % 5 %
Ouvriers, employés non qualifiés 26% 11%

Tableau V : Situation professionnelle lors de l'hospitalisation
Il est à noter que les patients déficients intellectuels qui sont en mesure d'effectuer une rééducation pour compenser les conséquences de leur déficience visuelle, font partie des déficients mentaux les plus légers et donc les mieux intégrés au niveau professionnel, même si pour la plupart ils sont dans des établissements spécialisés.


Déficients mentauxPopulation totale
Lésion cérébrale
d'origine traumatique ou non
22 % 32 %
Pathologie générale
ou Intoxication
14 % 13 %
Pathologie de l'oeil
ou des voies optiques
64 % 55 %

Tableau VI : Origine de la déficience visuelle
Les tableaux VI et VII soulignent la part importante des déficiences visuelles congénitales, héréditaires ou intégrées dans une pathologie générale, parmi les patients présentant une déficience intellectuelle. Les pathologies générales sont quant à elles, dominées par les syndromes de Laurence-Moon-Bardet-Biedl (7 cas sur 8, le cas restant étant une névrite optique suite à une syphilis tertiaire). Il faut de plus noter qu'un nombre significatif de patients présentent une déficience visuelle relative (malvoyance correspondant à une acuité visuelle inférieure à 3/10 (0,3), mais égale ou supérieure à 1/20 (0,05) du meilleur oeil avec correction selon les catégories de déficience visuelle 1 et 2 de la CIM-10).


Pourcentage parmi la population
des patients déficients mentaux
Atteinte de la rétine isolée
(fibroplasie rétrolentale, rétinopathie pigmentaire,
dégénérescence maculaire liée à l'âge, etc.)
22,5 %
Syndrome de Laurence-Moon-Bardet-Biedl 14 %
Atrophie optique congénitale 14 %
Glaucome congénital 4%
Autres atteintes congénitales
de l'oeil ou des voies optiques
19,5 %

Tableau VII : Origine de l'atteinte de l'oeil ou des voies optiques



Analyse des résultats

A) Situation en début de prise en charge
Des écarts importants s'observent quant aux niveaux moyens d'autonomie présents en début de rééducation. En effet, les patients déficients intellectuels se caractérisent par une indépendance beaucoup plus faible de vie quotidienne alors qu'ils disposent d'une maîtrise des déplacements plutôt meilleure et de plus de potentiel visuel utilisé et/ou utilisable.
Cette différence est à considérer avec d'autant plus d'attention qu'elle recouvre en fait deux évolutions différentes.

Tableau VIII : Résultats obtenus par les patients en fin de rééducation
aux échelles d'évaluation de l'autonomie du CRFAM (Tableau IX)
et nombre moyen de séances de rééducation par prise en charge

L'écart constaté entre ces deux populations souligne les limites adaptatives des déficients intellectuels. Leur état visuel est plus ancien et en moyenne moins sévère que pour l'ensemble de la population. Leur moins bonne adaptation ou autonomie ne peut donc pas ou peu être imputée à des phénomènes psychologiques (dépression réactionnelle à une baisse récente de vision) ou physiologiques (sidération perceptive suite à la baisse brutale d'une des modalités sensorielles par exemple).


B) Evolution de l'autonomie des patients
Les résultats obtenus à l'issue de la rééducation par les patients présentant une déficience intellectuelle mettent en évidence la difficulté du processus de rééducation fonctionnelle pour cette population. En effet, avec une durée de prise en charge en moyenne plus longue et un nombre moyen de séance par prise en charge équivalent, les évolutions possibles sont, en moyenne toujours, significativement plus faibles. Il est tout particulièrement intéressant de remarquer que les deux domaines qui évoluent le plus difficilement sont le braille et l'utilisation de la vision.

Tableau XI : Echelles d'évaluation de l'autonomie du CRFAM

Les résultats de cette brève étude mettent en évidence la faible progression d'autonomie que procure une rééducation fonctionnelle à des personnes déficientes visuelles et déficientes intellectuelles. Le niveau d'indépendance atteint est plus réduit et la progression significativement moins importante que pour la population de référence.


Spécificité de la rééducation des personnes adultes, déficientes visuelles et déficientes mentales

A) Faible progression à forte incidence et difficile diagnostic différentiel


Ces constatations triviales n'ont cependant qu'une valeur quantitative. L'analyse qualitative est toute autre. En effet, la clinique montre que si la progression en terme d'autonomie est faible, l'incidence de la prise en charge, et donc de cette faible progression, est grande pour cette catégorie de patient. S'ils sont hospitalisés pour une rééducation, c'est bien souvent que l'équilibre socio-professionnel adapté aux déficiences intellectuelle et visuelle, parfois depuis un temps prolongé, est mis en défaut. Les systèmes d'assistance, de contrôle ou d'adaptation au milieu professionnel et/ou au cadre de vie ne paraissent plus opérants. Or, ces systèmes mis en place fréquemment par des équipes spécialisées travaillant avec l'entourage familial, contribuent pour une très grande part à l'autonomie du patient, à son équilibre psychologique ainsi qu'à son bien-être. Quand le fonctionnement existant se grippe, une des explications qui vient rapidement à l'esprit est la déficience visuelle. La raison des dysfonctionnements nouveaux est attribuée à une modification ou d'une aggravation de la déficience visuelle du sujet.

B) Evaluation et action interdisciplinaire


Dans certain cas, il se peut que la prise en charge rééducative ne mette en évidence aucune modification récente aussi bien du potentiel que de l'efficience visuelle. La désadaptation observée dans le cadre de vie ou de travail est donc à rechercher ailleurs, avec le patient comme avec les personnes qui participent activement à son intégration socio-professionnelle.

Ces questions sont alors d'autant plus importantes à poser et à traiter de façon interdisciplinaire que très fréquemment, la part de la déficience visuelle dans les désadaptations récentes n'est pas négligeable. Si l'origine des difficultés n'est pas une aggravation de la vision du sujet mais par exemple une modification conséquente des exigences du milieu professionnel, la déficience visuelle, jointe aux troubles adaptatifs d'origine cognitive, va compter dans le mécanisme de désadaptation comme dans la mise en place d'éventuelles remédiations.

C) Modalité de la prise en charge


Dans un certain nombre d'autres cas, la raison des dysfonctionnements nouveaux est effectivement liée à une modification ou une aggravation de la déficience visuelle du sujet. Les prises en charge rééducatives par des établissements spécialisés, vont alors chercher à maintenir les acquis de la personne déficiente visuelle en :

Il s'agit, comme on peut le constater, d'un travail très pragmatique, focalisé avec réalisme sur quelques objectifs définis comme les plus importants, davantage tourné vers la réadaptation que la rééducation et réalisé par le biais de mises en situation écologique, plus que d'exercices analytiques.


D) Une prise de conscience approximative des déficiences par le sujet


Ce travail de diagnostic différentiel est d'autant plus important que le patient lui-même a généralement de réelles difficultés à évaluer, à faire la part, si ce n'est à qualifier, la nature de ses troubles visuels et adaptatifs. A cela plusieurs raisons, parfois combinées entre elles :


Dans tous ces cas donc, une prise en charge spécifique des troubles visuels va jouer un rôle important dans le devenir de ces sujets déficients visuel et déficients intellectuels légers. Sans être magique, ni permettre d'atteindre des résultats gigantesques, elle cherche à éviter un décrochage de l'autonomie ainsi que de l'équilibre social et psychologique établi au cours du temps. S'il se produit, ce décrochage est d'autant plus préjudiciable pour ces sujets que leur double déficience complique dans des proportions importantes la mise en place de processus de réadaptation ne s'appuyant pas sur des acquis anciens et éprouvés. Cette rééducation est complexe car située à la frontière de deux déficiences. Or, cette frontière est difficile à objectiver (erreurs fréquentes de diagnostic différentiel) et nécessite des équipes interdisciplinaires spécialisées pour pondérer tant dans l'analyse que dans la prise en charge, les différentes déficiences comme les incapacités qu'elles provoquent.

Date de création : 18/12/99, (dernière mise à jour le 22/01/11)

 




Bibliographie à propos de la déficience mentale


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